Lettre pastorale 2017 de Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers
Ne nous privons pas de la grâce du pardon
1) Un sacrement par trop délaissé
Il y a plus de quarante ans, le Père Bernard Bro, dominicain, avait intitulé un de ses
livres On demande des pécheurs ! En 2017, cet appel est toujours d’actualité s’il s’entend de
la pratique, en France, du sacrement de pénitence et de réconciliation. Heureusement qu’il en
est ainsi, le peu de prêtres peinerait à répondre à des attentes plus nombreuses !
Cependant, je ne peux m’en satisfaire, ayant toujours bénéficié de prêtres pour m’accueillir
dans ma pratique de ce sacrement, et en mesurant les richesses, je regrette que trop de
catholiques s’en soient éloignés. Je dois avant tout remercier ces prêtres, dont celui que je
rencontre régulièrement depuis trente-cinq ans, si je continue à m’approcher de ce sacrement,
c’est toujours parce que des prêtres ont su me le présenter et me le faire vivre de manière
sereine, constructive, jamais comme un simple rite, encore moins comme une torture
culpabilisatrice.
Pourquoi donc alors cet affadissement de la pratique de la confession ? La faute à qui ?
Commencer par cette question c’est partir à la recherche de coupables ou de responsables,
c’est stigmatiser les uns ou les autres, c’est désigner des bons et des mauvais et se dispenser
par-là de proposer le pardon comme un chemin positif. Je ne choisis donc pas ce chemin, il
serait en totale contradiction avec la nature de ce sacrement qui entend soulager et encourager
et non dénoncer et accuser.
Il en est du sacrement de la pénitence et de la réconciliation comme de tous les autres, mais
sans doute encore davantage pour lui : sa pratique et ses mises en œuvre ont connu une grande
diversité au long des temps et des espaces. Il est dès lors normal que notre époque recherche
les pratiques qui seront le plus à même de répondre à la fois à la nature du sacrement et aux
attentes des hommes et des femmes d’aujourd’hui.
Reconnaissons que les formes expérimentées durant les années 70 et 80 du XXe siècle, en
particulier en France, ont voulu répondre à de telles attentes.
Il y avait une lassitude quant à une pratique purement rituelle et mécanique du sacrement : la
nécessité de se confesser avant les grandes fêtes et avant de communier à la messe, pour
autant qu’on les comprenne, avaient conduit à énerver la célébration du sacrement. Beaucoup
en étaient lassés et mesuraient que le vide l’emportait sur le plein. Cette lassitude était
partagée tant par les prêtres que par les fidèles. La pratique des célébrations pénitentielles,
avec le plus souvent des absolutions collectives, a voulu donner plus de consistance au pardon
et au sacrement.
Las, dans ce domaine comme dans bien d’autres, le remède a détourné d’une pratique
ancienne mais sans vraiment la renouveler. Ce constat conduisit le pape Jean-Paul II, à la suite
du synode des évêques de 1983, à rappeler dans quelles conditions pouvaient se pratiquer ces
absolutions collectives, des conditions qui demeurent exceptionnelles et supposent une
autorisation épiscopale.
Bref, la pratique du sacrement ne fut pas renouvelée, elle s’effondra même.
2) Brève histoire de la pénitence dans l’Eglise catholique
Il est bon de revenir à l’histoire ancienne et si diverse de la pratique pénitentielle dans
l’Eglise, ce rappel évitera d’absolutiser telle ou telle forme, situant celle-ci ou cette autre
comme inscrite parmi bien d’autres. Il en est ici comme de toute chose, en matière religieuse
comme ailleurs : prenons garde à ne pas restreindre l’histoire à nos habitudes, à nos préjugés,
voire à nos souvenirs d’un passé plus ou moins imaginaire.
De plus, puisqu’il s’agit d’histoire, celle-ci ne peut que continuer à s’écrire, ici, dans les
formes adéquates du sacrement de pénitence et de réconciliation.
Rappelons d’abord qu’il a fallu plusieurs siècles pour qu’apparaisse un sacrement spécifique,
il faudrait plutôt dire un geste spécifique visant la rémission des péchés. En effet, et cela
demeure, ce qui pardonne du péché, c’est le baptême. Tel est le sens du discours de Pierre
après le don de l’Esprit lors de la Pentecôte : Convertissez-vous, et que chacun de vous soit
baptisé au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés ; vous recevrez alors le don du
Saint-Esprit. Actes 2, 38.
Pour cette raison, nous entendons chaque année, lors de la veillée pascale, l’appel de ce que
nous sommes appelés à vivre.
Si donc, par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est
pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ qui, par la toutepuissance du Père, est ressuscité d’entre les morts. Car, si nous avons été unis à lui par une
mort qui ressemble à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection qui ressemblera à la
sienne.
Nous le savons : l’homme ancien qui est en nous a été fixé à la croix avec lui pour que le
corps du péché soit réduit à rien, et qu’ainsi nous ne soyons plus esclaves du péché. Car celui
qui est mort est affranchi du péché. Et si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous
croyons que nous vivrons aussi avec lui.
Nous le savons en effet : ressuscité d’entre les morts, le Christ ne meurt plus ; la mort n’a
plus de pouvoir sur lui. Car lui qui est mort, c’est au péché qu’il est mort une fois pour
toutes ; lui qui est vivant, c’est pour Dieu qu’il est vivant. De même, vous aussi, pensez que
vous êtes morts au péché, mais vivants pour Dieu en Jésus Christ. Romains 6, 5-11.
Pourtant, les nouveaux baptisés font bien vite l’expérience qu’ils demeurent fragiles, la
tentation et la faute marquent encore leur vie, en particulier les fautes qui sont liées au
contexte de persécution des premiers siècles chrétiens : comment blâmer ceux qui sacrifièrent
aux idoles, qui renièrent publiquement le Christ pour échapper à la mort qu’ils encourraient.
Telle fut la faute qui appela une première pratique pénitentielle, la réconciliation des « lapsi »,
de « ceux qui sont tombés ». Dans cette période des origines chrétiennes, seules en effet les
fautes les plus graves appelleront la nécessité d’une réintégration dans la communauté dont on
s’est coupé par celles-ci : l’apostasie bien entendu, on vient de le dire, mais aussi le meurtre et
l’adultère. Le pardon se vit conjointement à une réparation et à l’exercice de la justice.
Il faudra ensuite attendre plusieurs siècles pour qu’apparaisse une pratique plus large de la
pénitence. Elle se développa dans le contexte de la vie monastique communautaire, en
Irlande. Cette évolution a un double motif, avant tout la foi en la miséricorde de Dieu et ce
fait que le salut ne vient que de lui (cf. Ephésiens 2), ensuite l’expérience que les moines font
du péché qui marque leur vie. Ils doivent dès lors demander à Dieu la grâce d’une conversion
qui ne peut dépendre de leurs seules forces, voire de leur bonne volonté.
C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, et par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de
vous, c’est le don de Dieu. Cela ne vient pas des actes : personne ne peut en tirer orgueil.
Ephésiens 2, 8-9.
La distinction des premiers siècles demeurera dans la pratique postérieure de l’Eglise,
distinction entre péchés graves et péchés dits véniels. Les premiers produisent une vraie
rupture avec l’Eglise, ils brisent la communion, c’est ce qui conduira à parler
d’excommunication. D’où la nécessité d’un acte, dont celui du sacrement du pardon pour
rétablir cette communion. D’autres fautes, celles qui marquent ordinairement nos vies,
n’appellent pas de telles pratiques pénitentielles, cependant, ils blessent, et le monde et nousmême, et puisque le salut ne peut venir que de Dieu, il est bénéfique de recevoir de temps à
autre la grâce toute particulière que donne le sacrement du pardon et de la réconciliation.
C’est donc à la suite des moines irlandais que se développa une pratique plus ordinaire du
sacrement du pardon.
Ceci s’exprima en particulier par la rédaction de « pénitentiels ». Ces derniers avaient pour
finalité de venir en aide aux prêtres chargés d’entendre la confession des péchés et d’imposer
une pénitence aux repentants. Les pénitentiels voulaient mesurer la pénitence à la faute,
évitant ainsi l’arbitraire des confesseurs, soit dans une indulgence trop grande, soit, avant tout,
dans une sévérité disproportionnée.
Ces pénitentiels manifestent que toute faute appelle réparation, cette dernière exprimant la
volonté de repentir du pécheur. Alors que certaines réparations vont naturellement de soi, par
exemple la restitution d’un bien qui aura été volé, qu’on se souvienne de l’attitude de Zachée,
d’autres se révèlent matériellement impossibles, lorsqu’il s’agit de péchés de parole ou de
pensée. Le Moyen-Âge verra alors le développement des grands pèlerinages, à Rome, à
Compostelle, à Rocamadour, puis à Jérusalem, vécus comme des actes de pénitence visant à
retrouver l’amour de Dieu et à bénéficier de sa miséricorde. C’est à la suite de cela que la
Renaissance développera la pratique des indulgences, assorties d’offrandes, les unes et les
autres permettant de financer les « grands travaux » romains et provoquant l’ire de Luther, en
1517, à Wittenberg.
Le concile de Trente, expression de la réforme catholique, corrigera bien des dérives, en
particulier celles liées aux pratiques du sacrement de pénitence. Ceci passera avant tout par la
formation des membres du clergé, donc des confesseurs. On abandonnera les vieux
pénitentiels pour développer les capacités de discernement des prêtres. Ignace de Loyola fut et
demeure un maître en ce domaine, et plus tard Alphonse de Liguori.
Mais, pour un Ignace, combien de prêtres peu soucieux de l’analyse des mouvements des
esprits, ou bien expédiant les choses, ou bien enfermant dans la culpabilité, ou bien
inquisiteurs et curieux de la vie des pénitents, en particulier dans les domaines de l’intimité.
Et ne croyons pas que ces travers auraient disparus avec le passage des siècles.
C’est aussi cette époque qui verra la création de ce meuble qui a marqué tant et tant de
personnes en occident, puis dans les pays de mission : le confessionnal. Il demeure encore
aujourd’hui, pour les uns le repoussoir qui les renvoie à une pratique rituelle et culpabilisante
de la pénitence, pour d’autres l’idéal d’une chrétienté triomphante dont ils sont nostalgiques.
Ce bref parcours historique, qui omet bien des nuances, surtout qui porte un regard sur les
pratiques de l’Occident chrétien et non sur celles de l’Orient entend avant tout rappeler la
diversité des pratiques alors que la réalité de foi demeure la même, celle affirmée par l’apôtre
Paul :Cette justice de Dieu, donnée par la foi en Jésus Christ, elle est offerte à tous ceux qui
croient.
En effet, il n’y a pas de différence : tous les hommes ont péché, ils sont privés de la gloire de Dieu,
et lui, gratuitement, les fait devenir justes par sa grâce, en vertu de la
rédemption accomplie dans le Christ Jésus. Romains 3, 22-24.
3) Appelés à la conversion
Heureux l’homme dont la faute est enlevée, et le péché remis !
Heureux l’homme dont le Seigneur ne retient pas l’offense, dont l’esprit est sans fraude !
Je me taisais et mes forces s’épuisaient à gémir tout le jour : ta main, le jour et la nuit, pesait
sur moi ; ma vigueur se desséchait comme l’herbe en été.
Je t’ai fait connaître ma faute, je n’ai pas caché mes torts.
J’ai dit : ‘’Je rendrai grâce au Seigneur en confessant mes péchés.’’ Et toi, tu as enlevé
l’offense de ma faute.
Ainsi chacun des tiens te priera aux heures décisives ; même les eaux qui débordent ne
peuvent l’atteindre.
Tu es un refuge pour moi, mon abri dans la détresse ; de chants de délivrance, tu m’as
entouré.
‘’Je vais t’instruire, te montrer la route à suivre, te conseiller, veiller sur toi.
N’imite pas les mules et les chevaux qui ne comprennent pas, qu’il faut mater par la bride et
le mors, et rien ne t’arrivera.’’
Pour le méchant, douleurs sans nombre ; mais l’amour du Seigneur entourera ceux qui
comptent sur lui.
Que le Seigneur soit votre joie ! Exultez, hommes justes ! Hommes droits, chantez votre
allégresse ! Psaume 31.
Il est important de bien préciser ce que veut dire le mot de conversion, on le comprend trop
souvent comme un effort moral se convertir, c’est alors faire des efforts, changer de vie, faire
évoluer certains de ses comportements. C’est vrai que tout cela est juste, ce sont bien là des
aspects de la conversion, mais il ne faudrait pas oublier que nous sommes chrétiens, c’est-àdire que tous les appels de l’Evangile, tous les appels de l’Eglise, sont centrés sur la personne
du Christ, et ceci est valable pour l’appel à la conversion.
Se convertir c’est donc, d’abord et toujours, se convertir au Christ, revenir vers le Christ,
prendre le Christ pour référence de toute son existence, c’est vouloir marcher sur ses traces.
Plusieurs moyens sont proposés pour vivre le chemin de la conversion, parmi ceux-ci, l’Eglise
en propose un de manière privilégiée : le sacrement de pénitence et de réconciliation.
Justement, si la conversion se vit d’abord au cœur d’un sacrement cela signifie que la
conversion n’est pas d’abord un effort moral et de volonté, elle est bien sûr tout cela, mais
avant cela, la conversion est un appel de Dieu, et est une grâce de Dieu. Or le sacrement est ce
moment privilégié où Dieu agit, ce moment où nous nous laissons faire par lui, où nous
laissons son amour, sa miséricorde agir dans notre existence. Le premier jour du Carême, le
mercredi des cendres, en est une belle expression : nous redevenons la cendre, la glaise, des
premiers jours de la création pour nous laisser reformer, recréer par les mains expertes du
potier.
Seigneur, c’est toi notre père. Nous sommes l’argile, c’est toi qui nous façonnes : nous
sommes tous l’ouvrage de ta main. Isaïe 64, 7.
Parole du Seigneur adressée à Jérémie : ‘’Lève-toi, descends à la maison du potier ; là, je te
ferai entendre mes paroles.’’Je descendis donc à la maison du potier. Il était en train de travailler sur son tour.
Le vase qu’il façonnait de sa main avec l’argile fut manqué. Alors il recommença, et il fit un
autre vase, selon ce qu’il est bon de faire, aux yeux d’un potier.
Alors la parole du Seigneur me fut adressée : ‘’Maison d’Israël, est-ce que je ne pourrais pas
vous traiter comme fait ce potier ? – oracle du Seigneur. Oui, comme l’argile est dans la main
du potier, ainsi êtes-vous dans ma main, maison d’Israël !’’ Jérémie 18, 5-6.
Pour mieux saisir le sens du sacrement du pardon, je distingue trois points, ou trois acteurs :
Dieu, l’Eglise, et chacun de nous.
Dieu d’abord ! En effet, puisque dans la conversion c’est le Christ qui est premier, dans le
sacrement du pardon, c’est Dieu qui est le premier, c’est lui qui nous appelle à la conversion,
et c’est lui qui est l’auteur de notre conversion : Au nom du Christ, nous vous le demandons,
laissez-vous réconcilier avec Dieu. 2 Corinthiens 5, 20b.
C’est parce que nous savons qui est Dieu que nous pouvons regretter nos péchés : notre Dieu
n’est pas un Dieu lointain, un Dieu indifférent, ou encore un Dieu qui réclame la vengeance,
mais notre Dieu c’est le Père de Jésus Christ. Notre Dieu, il est miséricorde, il est amour, il est
pardon. Demander pardon, vivre le pardon dans le sacrement, c’est donc vivre notre foi, c’est
exprimer notre foi en acte : c’est parce que je crois que Dieu est pardon que je lui demande
pardon, et que je le fais dans la paix, dans la confiance, et non dans la peur.
Dieu est le premier dans le sacrement aussi parce que c’est lui qui me révèle mon péché, non
pas en me dénonçant, en m’humiliant, mais en étant qui il est, et cela veut dire que se préparer
à se confesser, ce n’est pas d’abord s’examiner soi-même, ce n’est pas chercher en soi-même
ce que l’on va bien pouvoir dire au prêtre ; mais se préparer à se confesser, c’est d’abord et
avant tout regarder Dieu, regarder son Fils Jésus dans l’Evangile.
Dans le sacrement du pardon, il y a d’abord Dieu et ensuite il y a l’Eglise. Cette Eglise, le
peuple de Dieu, elle n’est pas en dehors de moi, à côté de moi, ou au-dessus de moi, c’est
plutôt moi qui suis en elle, c’est moi qui fait partie de ce peuple qui tout entier vit la
conversion, qui tout entier marche vers son Seigneur. L’Eglise, et le prêtre à qui je me
confesse, elle ne vient pas m’accuser, mais elle m’accompagne plutôt, elle me soutient, et cela
justement parce que la conversion, elle n’est pas en dehors d’elle-même, c’est l’Eglise tout
entière qui est tournée vers Dieu, et c’est en elle, avec elle, que je me tourne vers Dieu, et que
je décide de mieux marcher vers lui.
Dans le sacrement du pardon, il y a Dieu, il y a l’Eglise, il y a enfin moi-même, mais je
découvre alors que je ne suis plus au centre, le centre c’est Dieu ; de même je découvre que je
ne suis plus seul, je suis avec toute l’Eglise, je suis avec tous mes frères et sœurs chrétiens.
Dès lors, je me laisse faire par Dieu, je me laisse porter par l’Eglise.
Dans sa prédication, Jésus pose deux conditions à l’accueil de son action de salut. D’abord la
foi : l’homme est conscient de ses limites et de ses impuissances, il s’en remet à Dieu
confessé comme miséricordieux et rédempteur, comme tout-puissant ; ensuite le repentir : il
est un des fruits de cette foi en la puissance de Dieu et en son amour; le refus de reconnaître
une quelconque fatalité au mal.
La délivrance des péchés et le pardon sont des fruits de l’action de l’Esprit Saint, l’Esprit reçu
par les Apôtres au soir de la résurrection en vue de la rémission des péchés :
Jésus dit à ses Apôtres : ‘’La paix soit avec vous. Comme le Père m’a envoyé, à mon tour je
vous envoie.’’ Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : ‘’Recevez l’Esprit Saint. Ceux à
qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur
seront retenus.’’ Jean 20, 21-23.
Dans ce don et cette mission, Jésus institue la mission de l’Eglise, des apôtres et de leurs
successeurs : ils doivent remettre les péchés.
Sans reconnaissance de son péché, sans identification du mal, comment percevoir ce dont on
attend d’être délivré ? C’est la découverte de Dieu et de soi-même qui permet peu à peu de
repérer comment le péché prend forme concrète pour nous. Il y a en effet toujours une
nécessité spirituelle à connaître « son » péché, à dépasser la liste générale pour une vraie
lucidité. Cette tâche n’est pas le seul fruit de la connaissance de soi, ou de ce que les autres
disent de nous, même s’il faut prêter attention tant au positif qu’au négatif qui est dit de nous,
mais, cette tâche est d’abord l’œuvre de l’Esprit Saint. « Si tu connaissais tes péchés, tu
perdrais cœur ; mais je te les révèle à mesure que je t’en délivre » écrit Blaise Pascal, dans Le
Mystère de Jésus.
Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense.
Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi.
Contre toi, et toi seul, j’ai péché, ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait. Ainsi, tu peux parler et
montrer ta justice, être juge et montrer ta victoire.
Moi, je suis né dans la faute, j’étais pécheur dès le sein de ma mère.
Mais tu veux au fond de moi la vérité ; dans le secret, tu m’apprends la sagesse.
Purifie-moi avec l’hysope, et je serai pur ; lave moi et je serai blanc, plus que la neige.
Fais que j’entende les chants et la fête : ils danseront, les os que tu broyais.
Détourne ta face de mes fautes, enlève tous mes péchés.
Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
Ne me chasse pas loin de ta face, ne me reprends pas ton esprit saint.
Rends-moi la joie d’être sauvé ; que l’esprit généreux me soutienne.
Aux pécheurs, j’enseignerai tes chemins ; vers toi, reviendront les égarés.
Libère-moi du sang versé, Dieu, mon Dieu sauveur, et ma langue acclamera ta justice.
Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange.
Si j’offre un sacrifice, tu n’en veux pas, tu n’acceptes pas d’holocauste.
Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur
brisé et broyé. Accorde à Sion le bonheur, relève les murs de Jérusalem.
Alors tu accepteras de justes sacrifices, oblations et holocaustes ; alors on offrira des
taureaux sur ton autel. Psaume 50.
Vatican II, tout en plaçant l’Ecriture à la source et au cœur a également voulu comprendre et
souligner que le sacrement du pardon a une dimension ecclésiale. Ceux qui s’approchent du
sacrement de Pénitence y reçoivent de la miséricorde de Dieu le pardon de l’offense qu’ils lui
ont faite et du même coup sont réconciliés avec l’Eglise que leur péché a blessée et qui, par la
charité, l’exemple, les prières, travaille à leur conversion. Lumen Gentium 11, 2.
Par son existence, le chrétien proclame ou contredit son appartenance au peuple saint,
embellit ou défigure le Corps du Christ dont il est le membre. Le chrétien reçoit la sainteté de
l’Eglise (celle de l’Esprit), mais doit aussi communiquer à l’Eglise sa propre sainteté
personnelle. C’est cet aspect ecclésiologique du péché qui permet de comprendre la discipline
pénitentielle de l’Eglise ancienne évoquée plus haut : consciente d’être elle-même offensée
par le péché, elle réagissait publiquement contre le pécheur.
Même si cela concerne surtout les péchés graves, les péchés véniels contribuent aussi à affadir
l’Eglise et sa vie.De ce fait, superficialité, tiédeur, égoïsmes, esprit de chicane, défaut de
prière et de pénitence, constituent aussi, à leur mesure, des offenses contre l’Eglise, des
blessures que nous infligeons à notre famille. Ainsi, pour un chrétien, le désir authentique de
voir disparaître le péché du sein de l’Eglise doit se traduire par la confession de ses propres
défaillances.
4) Diverses expressions de la miséricorde de Dieu
Le salut advient par le baptême et la confirmation, il est nourri par l’eucharistie et il
répare ce qui est blessé et tordu par le don de la miséricorde. Ce don nous advient de bien des
manières, il est le bienfait premier que Dieu veut nous communiquer, lui qui est « riche en
miséricorde ». En l’accueillant nous répondons à son appel, et nous reconnaissons que nous
avons blessé les liens que nous avons avec lui.
Si quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un
monde nouveau est déjà né.
Tout cela vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné le
ministère de la réconciliation. Car c’est bien Dieu qui, dans le Christ, réconciliait le monde
avec lui : il n’a pas tenu compte des fautes, et il a déposé en nous la parole de la
réconciliation.
Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui-même qui lance un
appel : nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu.
Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous
devenions justes de la justice même de Dieu. 2 Corinthiens 5, 17-21.
Sa miséricorde, à celui qui la désire et reconnaît ses erreurs, le Seigneur la dispense de bien
des manières.
La prière chrétienne est le lieu principal où elle s’exerce, la miséricorde est en effet au cœur
de la prière enseignée par le Seigneur à ses apôtres que chaque chrétien redit souvent
plusieurs fois par jour : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux
qui nous ont offensé, et ne nous laisse pas entrer en tentation ».
Chaque dimanche, et parfois plusieurs fois par semaine, nous exprimons aussi notre foi en la
miséricorde et demandons à la recevoir, c’est le rite pénitentiel de chaque messe, rite qui se
conclut par une formule de pardon dite par le prêtre ou par l’évêque : « Que Dieu toutpuissant nous fasse miséricorde, qu’il nous pardonne nos péchés et nous conduise à la vie
éternelle ». Soyons assurés que ce ne sont pas des « paroles verbales » : vraiment, nous
demandons et recevons le pardon. Et d’autre part, avant la communion eucharistique,
reprenant des paroles de l’Evangile, face au don de Dieu, nous reconnaissons à nouveau notre
indignité, et par-là, à nouveau l’amour de Dieu : « Seigneur, je ne suis pas digne de te
recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri ».
Cette prière doit conduire à éviter de conditionner l’accès à la communion eucharistique à un
« état de grâce » qui serait nécessaire, d’où la nécessité, parfois affirmée, de devoir se
confesser avant de pouvoir communier.
Non, l’eucharistie est aussi un sacrement de guérison, elle est le pain consacré, la présence
réelle du Christ ressuscité qui sauve et qui délivre. Si seuls les saints pouvaient communier…
Il faudrait également mentionner la prière privée, personnelle, celle qui conduit à relire sa
journée lorsque nous sommes au terme de celle-ci, il s’agit de la pratique de l’examen de
conscience.
Afin que notre relation au Seigneur, aux autres et à nous-même soit juste, le
Mouvement eucharistique des jeunes aime à préciser que toute prière doit comporter ces trois
mots et les exprimer au Seigneur : « Merci. Pardon. S’il te plait ».
Vouloir, comme j’entends le faire dans ces pages, rappeler la beauté et la nécessité du
sacrement du pardon, ne peut omettre toutes ces autres expressions et de la miséricorde de
Dieu et de la reconnaissance de nos fautes, ou plutôt, devrais-je écrire, de la reconnaissance
humble et pleine de gratitude de ce que nous vivons de l’Evangile, et celle de nos fautes et
manquements.
5) L’expression sacramentelle du pardon de Dieu
Le pardon se vit et se reçoit aussi dans un sacrement, celui de la pénitence et de la
réconciliation. Même si ses formes ont changé, il demeure un bienfait offert à celles et ceux
qui le célèbrent et à bien d’autres.
Oui, j’aime à dire que chaque sacrement est une grâce pour la personne qui le reçoit mais
aussi pour beaucoup d’autres : ainsi, ayant été pardonné, comment ne pas me faire le témoin
et l’acteur du pardon auprès des personnes que je côtoie le plus habituellement.
C’est également de cette manière que s’exprime la communion des saints que nous confessons
dans le Credo : le bien que nous vivons est une richesse pour le monde, de même que le mal
l’abime.
Chacun des sacrements, loin d’être un jeu intime entre Dieu et moi permet à la grâce, à travers
le canal que j’en suis, de se communiquer à combien d’autres personnes.
Dans la célébration du sacrement du pardon, comment comprendre le rôle des prêtres, et des
évêques, et pour eux comment le vivre ? Trois images me semblent éclairantes : le ministre du
sacrement y est à la fois un juge, un médecin et un conseiller. Précisons cela.
Parler de « jugement » au sujet du rôle du prêtre dans le sacrement de pénitence peut sembler
peu opportun. Or, j’ai constaté que, parfois, le prêtre doit aider le pénitent à bien apprécier la
gravité des actes qu’il reconnaît comme peccamineux. Il arrive que la personne minimise, non
pas le gravité, mais ce à quoi expose ou conduit tel acte, même matériellement anodin. Le
prêtre n’a pas à appuyer sur ce qui fait mal, à culpabiliser outre mesure, mais il doit aider à
prendre conscience et à aider à des conversions possibles. Au contraire, il doit aussi apaiser la
personne qui fait peser sur sa conscience des culpabilités trop fortes et disproportionnées. En
fonction de son histoire personnelle, de son éducation, de la catéchèse reçue, il se peut que
telle faute, surtout dans le domaine intime, soit majorée quant à ses conséquences.
Une expression de ce ministère de l’Eglise est exprimée dans le pouvoir reçu du Seigneur de
lier et de délier.
Simon-Pierre prit la parole et dit : ‘’Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant !’’
Prenant la parole à son tour, Jésus lui dit : ‘’Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas
la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. Et moi, je te le
déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne
l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras
lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans
les cieux.’’ Matthieu 16, 16-19.
Il faut se garder de comprendre ces paroles comme disant une alternative, placée sous le signe
du « ou bien, ou bien »: ou bien l’Eglise lie un pécheur, ou bien elle le délie ; comme
toujours, la conjonction de coordination qui est le propre du christianisme, c’est le « et ». En
l’espèce, ce pouvoir confié à Pierre et aux successeurs du collège apostolique est tout entier
placé sous le signe de la délivrance. Mais, pour être délié de ses péchés, il faut prendre
conscience que l’on est lié par eux, l’Eglise doit dès lors aider à découvrir ce qui emprisonne
pour alors exercer, au nom de Dieu, une œuvre de libération.
Bien entendu, s’il doit exercer un jugement, ou pourrait aussi parler d’un discernement, le
prêtre ou l’évêque doit faire preuve d’une grande réserve et d’une grande discrétion, dans tous
les domaines, en particulier dans ceux qui touchent l’intime des personnes ; il y a des
questions qui n’ont pas lieu d’être, avant tout s’il s’agit de mineurs, et aussi d’adultes.
Combien de blessures, voire de colères justifiées occasionnées par des paroles presque
inquisitoriales de la part d’un prêtre.
On peut ici rappeler l’attitude du père de la parabole des deux fils. Alors que le prodigue
revient vers lui habité par des paroles de repentir, son père ne le laisse pas achever et n’est mu
que par des gestes de réconciliation et d’intégration.
Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi.
Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.”
Il se leva et s’en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi
de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers.
Le fils lui dit : “Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé
ton fils.” Mais le père dit à ses serviteurs : “Vite, apportez le plus beau vêtement pour
l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds, allez chercher le veau
gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la
vie ; il était perdu, et il est retrouvé.” Et ils commencèrent à festoyer. Luc 15, 18-24.
Le confesseur, s’il peut exercer un jugement, un discernement, doit aussi prendre les traits du
médecin, de celui qui, de la part du Seigneur, apaise et guérit. C’est à l’espérance qu’il doit
conduire le pénitent, il doit l’aider à sentir qu’un avenir est toujours ouvert, qu’un chemin de
repentance et de conversion est possible. Les paroles de réconfort et d’encouragement doivent
avoir la première place, ce sont toujours celles du Seigneur : Il se redressa et lui demanda :
‘’Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ?’’ Elle répondit : ‘’Personne,
Seigneur.’’ Et Jésus lui dit : ‘’Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche
plus.’’ Jean 8, 10-11.
Enfin, le prêtre peut aussi être un conseiller, en particulier lorsque le sacrement est célébré
dans le cadre de rencontres plus régulières, accompagnant une direction spirituelle. Certes, la
direction spirituelle n’est pas l’apanage des prêtres, bien des personnes, dûment formées et
expérimentées, comme doivent l’être aussi les prêtres, faut-il encore rappeler que l’ordination
ne confère pas toutes les compétences…, exercent avec bonheur ce ministère de
l’accompagnement spirituel. Je remercie ici le Service diocésain de la vie spirituelle qui porte
attention à ce domaine si important et qui est vigilant à appeler des personnes, ministres
ordonnés, consacrés, fidèles laïcs à suivre des formations dans ce domaine.
Dans chacune de ces situations, sacramentelle ou non, ce qui doit toujours être au premier
plan, c’est l’Ecriture sainte. Pour le sacrement du pardon comme pour l’ensemble de la
liturgie et des sacrements, c’est le grand apport du concile Vatican II, la place qui est donnée à
la Parole de Dieu.
Cette place est présente dans la célébration même du sacrement, comme dans la préparation
plus personnelle que chacun peut en faire.En effet, ce n’est pas face à soi-même que l’on fait
son examen de conscience, ce n’est pas devant son miroir, mais sous le regard aimant et
exigeant du Seigneur et de sa Parole. C’est en contemplant le mystère du Christ que l’on
perçoit comment notre route lui est fidèle ou bien s’en éloigne.
Ainsi, la lecture et l’écoute quotidiennes de cette Parole, dans les textes liturgiques, dans la
lectio divina ou bien dans la lecture continue des différents livres bibliques est ce qui éclaire
chacun, d’abord sur Dieu lui-même mais aussi sur lui-même.
6) Saint Jean-Paul II, pape de la miséricorde
Le sacrement du pardon est une des expressions de ce qui est central dans la foi
chrétienne : la miséricorde. Il faut souligner combien deux papes parmi les plus récents ont
insisté sur ce point. Le pape François, en particulier en voulant une année sainte
extraordinaire consacrée à la miséricorde, et avant lui le saint pape Jean-Paul II. Arrêtonsnous un instant sur les exemples et les enseignements de ces papes.
Dans la vie plus quotidienne du pape Jean-Paul II, la souffrance des femmes et des hommes
du monde entier était toujours proche du cœur du pape. Voici ce que rapporte Stanislas
Dziwicz, celui qui fut son premier collaborateur d’abord à Cracovie puis à Rome, avant de
devenir archevêque de Cracovie jusque ces derniers mois.
« Le tiroir du prie-Dieu était plein des suppliques qui parvenaient au SaintPère. Il contenait des lettres de malades du sida et du cancer ; d’une mère qui demandait une
prière pour son fils de dix-sept ans plongé dans le coma ; ou encore des lettres de familles en
crise, et tant d’autres de couples qui n’avaient pas d’enfant et qui, quand leur prière était
exaucée, écrivaient pour le remercier » Stanislas Dziwisz, Une vie avec Karol. Le Seuil,
Desclée de Brouwer 2007. Points n° 2035, p. 102.
« Je me souviens d’une audience générale, celle du mercredi. Un prêtre avait amené un
groupe de jeunes femmes qui avaient été impliquées dans la prostitution, mais qui avaient
décidé de changer complètement de vie. Quand leur tour arriva, elles éclatèrent toutes en
sanglots. Chacune d’entre elles s’approcha du pape, les yeux pleins de larmes, de pudeur et
peut-être de honte, et le pape prit chacune dans ses bras et la bénit…
Voilà, c’était lui : Karol Wojtyla recevait chacun avec respect, avec amour. Chaque femme,
chaque homme, était également important à ses yeux .
Il pouvait bien parler avec des grands de ce monde, avec des chefs d’Etat, ou se trouver
devant des gens humbles, modestes : pour lui il s’agissait de personnes ayant la même
dignité : tous et toujours des enfants de Dieu » oc, p. 111.
La miséricorde dessine les traits du pontificat de Jean-Paul II, mais elle est aussi au cœur de
sa vie. Comment ne pas revenir ici sur l’attentat dont il faillit être la victime. Celui qui était
dans la même voiture que le pape ce jour-là, Stanislas Dziwisz, rapporte les événements :
« Que serait-il arrivé si, le 13 mai, les deux coups de feu tirés par le Browning calibre 9
avaient abattu leur ‘’cible’’ ? Je me le suis toujours demandé. Si la main de la Sainte Vierge
n’avait pas dévié la balle, que serait-il arrivé ? Qu’en aurait-il été du devenir du monde ? Sans
l’aide de ce pape polonais, la révolution de Solidarnosc aurait eu bien du mal à s’imposer.
L’histoire de l’Europe centrale et de l’Europe de l’Est aurait probablement pris un cours
différent .Les balles n’étaient pas parties toutes seules, un homme avait tiré.
Ali Agça, qui n’a jamais demandé pardon, mais on sait qu’il ne comprenait pas que la balle n’ait pas tué le pape.
« Jean-Paul II lui écrivit : ‘’Cher frère, comment pourrons-nous nous présenter devant Dieu si,
ici, sur la terre, nous ne nous pardonnons pas les uns les autres ?’’ Jean-Paul II n’envoya pas
cette lettre, Agça aurait pu l’utiliser. Il préféra le rencontrer, pour accomplir un geste de
pardon et pour serrer la main de son agresseur. De sa part, en revanche, rien. Seules
l’intéressaient les révélations de Fatima. Il voulait seulement comprendre qui l’avait empêché
de tuer cet homme. Mais demander pardon, cela ne
l’intéressait pas, non. Il ne l’a jamais fait. Il n’a jamais demandé pardon ! » oc, p. 157-158.
En 1980, Jean-Paul II publie sa deuxième encyclique ; elle est tout entière consacrée à la
miséricorde, son titre reprend les paroles du chapitre 2 de la Lettre aux Ephésiens, Dives in
misericordia. Dieu riche en miséricorde.
Jean-Paul II y affirme que « l’amour miséricordieux du Père a constitué le contenu central de
la mission messianique du Fils de l’homme . C’est pourquoi l’Eglise doit considérer
comme un de ses principaux devoirs de proclamer et d’introduire dans la vie le mystère de la
miséricorde » n° 13 et 14.
Et c’est le jubilé de l’an 2000 qui sera aussi placé sous le signe de la miséricorde. Ainsi, le 12
mars 2000, à Saint-Pierre, eut lieu la Journée jubilaire du pardon. « Pour la première fois,
c’est l’Eglise tout entière qui implora la miséricorde à Dieu pour les péchés et les omissions
dont s’étaient rendus coupables les chrétiens, ‘’défigurant ainsi le visage de l’Eglise’’.
L’Eglise s’engageait, avec cinq ‘’Jamais plus !’’, à ne plus trahir l’Evangile et le service de la
vérité . Il était allé, en silence, aux pieds du grand crucifix, et l’avait embrassé
longuement » oc, p. 233.
Les évêques français suivront ce chemin par la déclaration de repentance de Drancy.
« Quelques mois plus tard, au mur des Lamentations, le Saint-Père lut à voix basse le feuillet
qu’il avait en main : c’était la demande de pardon au peuple juif qui avait déjà été lue à SaintPierre et qu’il avait voulu porter à cet endroit. Il avança de quelques pas et inséra la petite
feuille dans une fente du mur. Elie Wiesel, prix Nobel de la paix et ancien déporté, déclara :
‘’Quand j’étais enfant, j’avais peur de passer devant une église, maintenant tout est changé’’ »
oc, p. 253.
Jean-Paul II est mort le samedi 2 avril 2005, la veille du 2ème Dimanche de Pâques, Dimanche
de la Miséricorde divine, qu’il avait institué en 2000, lors du Grand Jubilé. L’intuition de cette
fête, instituée par Jean-Paul II, et en quelque sorte scellée de sa vie, puisqu’il est mort le jour
de cette fête, vient de Sœur Faustine.
Et c’est aussi un 2ème Dimanche de Pâques, Dimanche de la Miséricorde divine, que Benoît
XVI procéda à sa béatification de son prédécesseur sur le siège de Pierre.
7) Quand vient le temps du pardon
La pardon est un bienfait pour les chrétiens, et pour combien d’autres, il est aussi une
nécessité sociale : une société, un pays, un groupe humain, quel qu’il soit, ne peut espérer
vivre et se développer sans pardon. Il y a toujours un moment où il faut reconstruire ce qui a
été détruit, où il faut ouvrir des portes dans les murs qui ont séparé et isolé.
Il y a un moment pour tout, et un temps pour chaque chose sous le ciel :
un temps pour donner la vie, et un temps pour mourir ; un temps pour planter, et un temps pour arracher.
Un temps pour tuer, et un temps pour guérir ; un temps pour détruire et un temps pour
construire.
Un temps pour pleurer, et un temps pour rire ; un temps pour gémir, et un temps pour danser.
Un temps pour jeter des pierres, et un temps pour les amasser ; un temps pour s’étreindre, et
un temps pour s’abstenir.
Un temps pour chercher, et un temps pour perdre ; un temps pour garder, et un temps pour
jeter.
Un temps pour déchirer, et un temps pour coudre ; un temps pour se taire, et un temps pour
parler.
Un temps pour aimer, et un temps pour ne pas aimer ; un temps pour la guerre, et un temps
pour la paix. Ecclésiaste 3, 1-8.
L’histoire de l’humanité et des peuples montre que ceux-ci ont crû à chaque fois qu’ils ont
réussi à choisir le chemin du pardon plutôt que l’entretien de haines cuites et recuites.
En Europe occidentale, ce fut le cas grâce à des dirigeants, pour la plupart catholiques, qui
agirent pour la réconciliation des peuples et pour la construction d’une coopération entre les
nations de notre continent.
A l’Est, Jean-Paul II, avant même qu’il ne devienne pape, s’en fit avec les autres évêques
polonais l’apôtre, eux aussi agirent afin de permettre aux peuples allemands et polonais de
vivre la réconciliation.
A Cracovie, une inspiration lui était venue du concile, de Gaudium et Spes dont il fut un des
principaux rédacteurs : « elle consistait à adresser une lettre aux évêques allemands pour
favoriser la réconciliation entre les deux peuples de Pologne et d’Allemagne, entre les deux
nations. Cette lettre disait ceci : ‘’Nous vous tendons la main en vous pardonnant et en vous
demandant de nous pardonner…’’ Et cela sans rien taire du passé, des camps d’extermination
nazis aux fours crématoires, de la controverse sur la frontière occidentale de la Pologne aux
souffrances des milliers de réfugiés et d’Allemands expropriés » oc, p. 38.
Cette réconciliation fut célébrée à Jasna Gora.
« Devant une foule immense, le cardinal Wyszinski fit lire le passage le plus contesté de la
lettre adressée par les évêques polonais aux évêques allemands et, après avoir récité le Notre
Père, il éleva la voix : ‘’Nous, évêques de Pologne, avec le peuple de Dieu, nous
pardonnons !’’ Un cri immense lui fit écho, puissant comme un roulement de tonnerre :
‘’Nous pardonnons !’’ » oc, p. 40.
De tels exemples doivent stimuler à agir dans ce sens, ou au moins à penser que cela est
possible, en particulier dans les pays actuellement en conflit. Oui, un jour, la Syrie et l’Iraq
connaîtront la réconciliation entre leurs habitants, permettant aux différentes communautés de
vivre sur le même sol, refusant l’ethnicisation ou la confessionnalisation de ces pays : aucun
pays n’est musulman ou chrétien, ou encore juif ; même si ce mot appartient au patrimoine de
la France, la laïcité, qui affirme et défend la neutralité religieuse des Etats est ce qui autorise
des habitants de diverses religions, ou sans religion, à être citoyens à part égale et entière
d’une même nation.
8) Quelques mises en œuvre
Avant tout, je suis heureux de constater que, de plus en plus, le sacrement de pénitence
et de réconciliation continue à être célébré et vécu. Il l’est en particulier à l’occasion de
moments plus exceptionnels, tels les pèlerinages. C’est le cas à Lourdes, tant pour les adultes
que pour les jeunes, je pense aussi aux JMJ, à un camp scout, etc. Celles et ceux qui
organisent ces événements doivent toujours penser à donner le temps pour cela, réfléchir aux
modalités pédagogiques et liturgiques permettant et invitant à cette célébration.
J’aime aussi mentionner avec gratitude le ministère que rendent les religieux et les
monastères, tout particulièrement les Frères de l’abbaye Saint Martin de Ligugé.
Il est bon aussi que dans les trois villes principales du diocèse, Châtellerault, Poitiers et Niort
des lieux précis proposent des heures où des personnes peuvent trouver un prêtre pour
célébrer le sacrement ; depuis bien des années, à Poitiers, l’église Saint Porchaire, de par sa
situation dans la ville et l’aménagement d’un lieu propice, joue ce rôle. Ceci ne peut bien
entendu reposer sur un seul prêtre, je souhaite que tous les prêtres de l’agglomération
s’entendent afin de se relayer pour exercer ce ministère.
En effet, à Poitiers comme dans les autres villes, les personnes qui viennent ne sont pas les
seuls résidents du centre-ville ; dans le domaine religieux comme plus généralement, les
villes-centres répondent à une mission de service qui ne saurait se comprendre tel les villages
d’antan. Je le dis au sujet du sacrement du pardon, ceci est aussi vérifié pour les messes,
quotidiennes ou dominicales.
Ici aussi j’appelle à développer les collaborations entre les paroisses voisines, ce qui passe
bien entendu par les collaborations entre les prêtres et les responsables pastoraux, plus de
fraternité entre nous ne saurait nuire.
A côté de ces propositions régulières, je souhaite que chaque paroisse du diocèse, pour ellemême ou bien en collaborant avec les paroisses voisines, propose un temps pénitentiel, au
moins une fois par an.
Ceci peut prendre la forme des célébrations pénitentielles telles qu’elles sont pratiquées
depuis bien des années, avec plusieurs prêtres pouvant accueillir les personnes qui souhaitent
recevoir la grâce du sacrement, ou bien la forme de célébrations non sacramentelles mais
invitant les personnes qui le souhaitent à rencontrer un prêtre à un autre moment.
Il existe aussi des « journées du pardon », dans une église déterminée, du matin au soir, avec
des prêtres qui se succèdent toute la journée pour accueillir et entendre les pénitents. Ces
journées peuvent être rythmées par la célébration de la messe, de la liturgie des heures, on
peut aussi exposer le Saint Sacrement.
Bien d’autres initiatives sont possibles ; les revues liturgiques, les sites internet des diocèses,
les échanges avec la province ecclésiastique, et bien entendu le SDPLS (Service diocésain de
la pastorale liturgique et sacramentelle) aident à enrichir et à diversifier nos pratiques.
Cependant, quelles que soient ces dernières, prenons acte du fait, en ce domaine comme en
bien d’autres, d’une rupture de tradition. Nombre de personnes, même de celles qui sont dans
les églises chaque dimanche, ou qui vivent un engagement ecclésial, ignorent les modalités
pratiques permettant de célébrer le sacrement de pénitence et de réconciliation. Quels gestes
poser… Quelles prières dire… Et si le prêtre me demande de réciter l’acte de contrition…
C’est toute une catéchèse pratique de la célébration du sacrement qui doit être mise à la
disposition des personnes qui souhaitent le célébrer.
Pour ce faire, c’est le plus simple qui convient, un feuillet qui décrit les étapes du sacrement et
donne le texte des prières et formules tant du pénitent que du confesseur.
L’absence de cette catéchèse, et surtout de ces précisions toutes pratiques est, soyons-en
certains, le premier frein à la pratique de ce sacrement.
9) Pardonne-nous comme nous pardonnons
A côté de ces difficultés concrètes qui font obstacle à la pratique du sacrement du
pardon, un autre obstacle, plus profond, réside dans notre difficulté à pardonner, à être
pardonné, à nous pardonner à nous-même. Pourtant, la parole du Seigneur est claire :
Pierre s’approcha de Jésus pour lui demander : « Seigneur, lorsque mon frère commettra des
fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? »
Jésus lui répondit : ‘’Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept
fois.
Ainsi, le royaume des Cieux est comparable à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses
serviteurs. Il commençait, quand on lui amena quelqu’un qui lui devait dix mille talents
(c’est-à-dire soixante millions de pièces d’argent).
Comme cet homme n’avait pas de quoi rembourser, le maître ordonna de le vendre, avec sa
femme, ses enfants et tous ses biens, en remboursement de sa dette. Alors, tombant à ses
pieds, le serviteur demeurait prosterné et disait : “Prends patience envers moi, et je te
rembourserai tout.”
Saisi de compassion, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit sa dette. Mais, en
sortant, ce serviteur trouva un de ses compagnons qui lui devait cent pièces d’argent. Il se
jeta sur lui pour l’étrangler, en disant : “Rembourse ta dette !” Alors, tombant à ses pieds,
son compagnon le suppliait : “Prends patience envers moi, et je te rembourserai.”
Mais l’autre refusa et le fit jeter en prison jusqu’à ce qu’il ait remboursé ce qu’il devait. Ses
compagnons, voyant cela, furent profondément attristés et allèrent raconter à leur maître tout
ce qui s’était passé. Alors celui-ci le fit appeler et lui dit : “Serviteur mauvais ! je t’avais
remis toute cette dette parce que tu m’avais supplié. Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié
de ton compagnon, comme moi-même j’avais eu pitié de toi ?” Dans sa colère, son maître le
livra aux bourreaux jusqu’à ce qu’il eût remboursé tout ce qu’il devait.
C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère
du fond du cœur.’’ Matthieu 18, 21-35.
La réponse de Jésus à Pierre ne fait que confirmer les propos de ce dernier : selon la
symbolique des chiffres, le « 7 » est celui de l’infini, pardonner sept fois ou bien soixante-dix
fois sept fois, revient dès lors à toujours pardonner.
Pourtant, l’expérience de beaucoup montre que le pardon peut être difficile, parfois
humainement impossible. J’ai en mémoire telle personne me disant son incapacité à dire en
vérité le Notre Père : ne pouvant pardonner à telle personne, elle se sentait dans
l’impossibilité de dire : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons ». Je lui
proposai alors, dans sa prière privée, de dire : « Pardonne-nous nos offenses, comme j’essaie
de pardonner, comme j’ai le désir de pardonner ». En effet, le pardon peut demander du
temps, beaucoup de temps, ce qu’il faut croire, espérer, c’est qu’il sera un jour possible, et
c’est cela qu’il faut demander à Dieu.
Certes, des choses douloureuses ne seront pas effacées, le pardon n’est pas une ardoise
magique, et je précise : heureusement ! On ne réécrit pas l’histoire.
Conserver la mémoire douloureuse d’une faute commise est un aiguillon qui nous rappelle que nous sommes faibles,
qu’il y a des domaines de notre vie, des situations où cette fragilité peut se manifester à
nouveau. On apprend alors à ne pas jouer avec le feu, à se garder de ce qui restera sans doute
toujours dangereux pour nous.
Pour m’empêcher de me surestimer, j’ai reçu dans ma chair une écharde, un envoyé de Satan
qui est là pour me gifler, pour empêcher que je me surestime.
Par trois fois, j’ai prié le Seigneur de l’écarter de moi. Mais il m’a déclaré : ‘’Ma grâce te
suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse.’’ C’est donc très volontiers
que je mettrai plutôt ma fierté dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en
moi sa demeure. C’est pourquoi j’accepte de grand cœur pour le Christ les faiblesses, les
insultes, les contraintes, les persécutions et les situations angoissantes. Car, lorsque je suis
faible, c’est alors que je suis fort. 2 Corinthiens 12, 7-10.
Quant à garder la mémoire de ce qui nous a blessé, c’est ne pas oublier la présence du mal
dans le monde et dans les cœurs, c’est ne pas tomber des nues lorsqu’on en fera à nouveau
l’expérience, et c’est avant tout agir de telle manière que l’on ne pactise pas avec ce mal.
Cependant, cette mémoire du mal subi ne doit pas avoir la forme de la rancune, et c’est pour
cela que la grâce de Dieu nous est toujours nécessaire.
10) D’un synode à l’autre vivre le pardon
A la fois l’année sainte de la miséricorde ainsi que l’exhortation apostolique Amoris
laetitia appellent à proposer des chemins de réconciliation pour les personnes qui ont vécu des
épreuves ou des échecs, tout particulièrement dans leur vie de couple et de famille.
Dans cette logique, le pape François a élargi à l’ensemble de l’Eglise ce qui était auparavant
fonction des décisions de chaque évêque, la possibilité donnée à tous les prêtres de relever de
la faute grave qu’est l’avortement et de remettre de la peine d’excommunication liée à cet
acte.
D’autre part, il a adressé un appel au sujet des personnes qui ont connu un échec conjugal et
familial et ont contracté une nouvelle union.
Certains épiscopats nationaux ont publié des orientations pour leur pays, ce n’est pas le cas,
pour le moment, en France ; il revient donc à chaque évêque de préciser des mises en œuvre
pour son diocèse.
Pour ma part, j’estime que chaque prêtre, de par son ordination et les pouvoirs reçus de
remettre les péchés est en capacité d’accompagner les personnes qui viennent se confier à lui.
L’attention aux familles doit aussi être un souci premier pour l’ensemble des chrétiens. Il
n’aurait servi à rien de se manifester, d’une manière ou d’une autre, lorsque la France a ouvert
le mariage aux personnes de même sexe si nous ne continuons pas à accompagner les vies
familiales, dans les réalités bien diverses qui s’y expriment.
Ce texte que vous lisez n’entend pas anticiper sur ce que produira le synode diocésain que
nous célébrons en ces années 2017 et 2018, cependant, je puis déjà préciser que la réalité qui
est la plus présente dans ce qu’expriment les groupes et les personnes est celle des familles.
Ceci ne fait qu’ajouter à ce constat qui est aussi une conviction : la famille est la réalité, dans
la société et dans l’Eglise, qui mérite le plus d’attention. Elle est le lieu de toutes les attentes,
un lieu de joies, un lieu d’épreuves aussi.
Comment alors ne pas en tirer cette conséquence : faire des familles une priorité pastorale.
Il s’agit donc, et c’est tout l’Evangile, de cheminer avec nos contemporains. « La Parole de
Dieu ne se révèle pas comme une séquence de thèses abstraites, mais comme une compagne
de voyage, y compris pour les familles qui sont en crise ou sont confrontées à une souffrance
ou à une autre, et leur montre le but du chemin, lorsque Dieu ‘’essuiera toute larme de leurs
yeux’’ (Ap 21, 4) » Amoris laetitia, n° 22.
Notre synode pourra, dans la continuité avec ce que propose depuis bien des années le Service
diocésain de la pastorale des familles, peut-être, formuler quelques mises en œuvre pratiques ;
celles-ci déclineront, pour le Poitou, les accents portés par Amoris laetitia, en particulier ces
trois verbes, ces trois attitudes, qui sont l’armature de toute l’exhortation apostolique du pape
François : accompagner, discerner et intégrer.
« Il s’agit d’intégrer tout le monde, on doit aider chacun à trouver sa propre manière de faire
partie de la communauté ecclésiale, pour qu’il se sente objet d’une miséricorde ‘’imméritée,
inconditionnelle et gratuite’’. Personne ne peut être condamné pour toujours, parce que ce
n’est pas la logique de l’Evangile ! » n° 297.
Sans remettre en cause l’exigence des appels de l’Evangile, le pape François entend avant tout
appeler les croyants à accueillir avec bienveillance les personnes et les situations, d’ailleurs,
comment construire une vie de couple et de famille sans cet a priori de confiance.
« L’humanité a besoin de miséricorde. Il y a plus d’un demi-siècle, Pie XII disait que le drame
de notre époque était d’avoir perdu le sens du péché, la conscience du péché. A cela s’ajoute
aujourd’hui le fait, dramatique, de considérer notre maladie, notre péché, comme incurable,
comme quelque chose qui ne peut être ni guéri ni pardonné. Ce qui fait défaut, c’est
l’expérience concrète de la miséricorde. La fragilité des temps que nous vivons, c’est aussi
cela : croire qu’il n’existe aucune possibilité de rachat » pape François, Le nom de Dieu est
miséricorde. Robert Laffont, Presses de la Renaissance, 2016, p. 37.
Pour aller plus loin
Afin de mieux recevoir ce texte et d’en recevoir quelques orientations concrètes, je propose
ces quelques questions.
Elles pourront être travaillées par les équipes pastorales et lors des rencontres de doyennés.
– Que percevons-nous, chez nous et autour de nous, comme encouragements et comme
réticences à la pratique du sacrement de pénitence et de réconciliation ?
– Quelles sont les pratiques du sacrement de pénitence et de réconciliation que nous
célébrons et proposons ?
– Quelles initiatives nouvelles pourrions-nous proposer pour initier et inciter à la
célébration de ce sacrement ?